Interview : Boucq avec Bouncer choisit l’hécatombe pour un nouveau départ

On le croyait rangé le Bouncer. Il a mis au coffre l’or récupérée dans le tome précédent. Mais il va falloir le préserver des convoitises. Et ce sera une Hécatombe, titre du tome 12 qui clôture un cycle. François Boucq veut renvoyer le Bouncer sur la piste de Santa Fe. Finie la ville mais pour cela il fallait faire un nettoyage par le vide. Il s’en expliqué avec Ligne Claire. Propos recueillis par Jean-Laurent TRUC. Dessins François Boucq ©

François Boucq
François Boucq. Francesca Mantovani / Glénat ©

François Boucq, quel est votre vision de vos albums par rapport à vos lecteurs ?

Je me demande toujours si mes BD se lisent comme on regarde un film, dans le même tempo.

Avec le Bouncer tome 12, on rentre dans le film, les personnages se mettent en place, les décors. On gamberge et on est pris. Qui a écrit le scénario ?

C’est moi. Mais il y avait aussi un scénario de Jodorowsky dont je me suis très peu servi.

On en avait parlé de ce Bouncer quand on s’était vu pour le Général. J’ai relu le précédent. Pour une fois le héros trouvait un trésor et le gardait. Cette fois dans ce tome 12, une pagination de 140 pages ce n’est pas rien, on est dans un polar western.

C’est un peu ça. En fait ce qui m’intéressait était de manipuler l’esprit du lecteur. Le balader à la fois avec une intrigue relativement simple au départ, des types qui veulent voler l’or et au fur et à mesure on s’aperçoit que ce n’est pas tout à fait ça. C’est plutôt une manipulation.

Oui mais un coup monté en finesse et c’est là où le scénario est bien mené. On se doute que le colonel Carter venu protéger l’or n’est pas net mais après on ne voit pas arriver la suite, sans déflorer l’intrigue, des intérêts convergents. Donc plus polar mais western quand même parce que les Colt aboient. Mais on aurait pu être à Chicago en 1930. Un thriller machiavélique.

Oui tout à fait. Ce qui m’importait était de faire en sorte que le lecteur ne sache jamais où il en était. Sauf à la fin où il comprend. Tout le travail dans un scénario pareil était de rester le plus original possible sur les thèmes. Je me suis fait aider par un ami prestidigitateur à qui j’ai confié des détails du scénario et qui m’a dit d’utiliser telle ou telle technique de magie. Je me suis rendu compte que c’était plausible. C’est toujours bien en BD d’avoir une base solide.

Bouncer

Les rebondissements sont éclatants. Il y a un autre point non négligeable que le titre anticipe, c’est l’hécatombe autour du Bouncer. Pourquoi ?

Pour me libérer car il faut qu’un personnage comme le Bouncer ne pouvait rester toujours emprisonné dans sa vie, que ce soit sa fonction, son entourage, sa ville. Donc il pouvait peut-être couper ses entraves. Ce n’est pas lui qui le désire mais moi pour lui

On se dit qu’il pourrait finir à la Lucky Luke solitaire mais est-ce que cela ne va être un nouveau début ?

C’est ce que je cherche, que le personnage puisse prendre un nouvel essor. Il n’y avait pas d’autre moyen.

Bouncer

Vous ne faites pas dans le léger. Il y a accumulation. Qu’est ce qui vous a fait penser à l’utilisation de ce coffre-fort, acteur impassible du récit ? Astucieux.
Je voulais qu’on se dise comment tout cela est possible. Il y a un prestidigitateur. Ce ne peut pas être lui. Mais non, pourquoi pas après tout.

Vous l’avez écrit d’une seule traite ce Bouncer ?

Non. Il fallait le tourner, le retourner tout en dessinant. J’ai passé un an à y travailler en permanence avec des hésitations, trouver des pistes. Pas simple. Quand je vois notre travail, les raconteurs d’histoire en BD, on doit agripper le lecteur dès le départ. Ensuite on le balade et il doit aimer ça, il spécule. Quand on raconte une histoire comme celle-là on est sans cesse avec le lecteur.

Il y a deux histoires en une, celle de l’or avec une piste légère qui la relance, et le vol, plus une dose de fantastique au final.

Le magicien ce n’est que des trucs, de la technique mais en face de la vraie magie, il va se passer des choses.

Bouncer

Côté dessin les deux planches d’ouverture où on voit le village dans la vallée sous la pluie torrentielle et le cimetière qui le surplombe, on est dans une superbe réalisation graphique.

Dont j’avais besoin car il fallait que pour cet or à la banque et convoité il y ait des éléments extérieurs qui empêchent des secours d’arriver. Plus la pluie va raviner le cimetière et les cercueils déboulent dans la ville. 40 pages de pluie c’était très intéressant à faire, avec des contrastes forts.

Donc Bouncer son avenir et devant lui mais pas seul peut-être.

Oui et là on n’en dit pas plus car cela pourrait apporter un élément nouveau dans le prochain.

On assiste à la fin d’un cycle avec ce tome 12 ?

Oui, le cycle a commencé avec le 8 avec la petite fille tatouée mais on ne savait rien de la carte. On verra ça plus tard donc 5 albums pour une histoire complète.

Bouncer

Du punch, de la surprise, des fausses pistes.

C’est ça qui me plait le plus. Le lecteur veut soit toujours lire la même histoire dans le principe des films US avec le même schéma soit aimer être baladé, qu’on lui piège l’esprit. De façon pas ordinaire et avec le western il sait qu’il est dans un univers où tout est possible. Il n’y a pas de contexte à créer.

Vous vous posez aussi pour l’avenir un défi avec le Bouncer.

Tout sera possible désormais, dans une autre ville ou pas, dans le désert, devenir un bourreau ou autre. Le champ est vaste.

Pas de regrets quand même avec cette hécatombe ?

C’est pénible d’autant qu’il y a un phénomène que j’éprouve, très étrange. L’association entre ce que je dessine et ce qui se passe dans ma vie. Des personnages fictifs disparaissent et d’autres bien réels de ma vie aussi. Ce n’est pas la première fois et je ne l’explique pas. C’est curieux. Dans la suite de Little Tulip sur lequel je travaille le début de scénario fait mourir le personnage de Pavel, ce qui a pour moi une identification très forte avec l’univers du dessin. Doc je me méfie. Je ne sais pas vraiment ce que je redoute en fait.

Le Bouncer, un Little Tulip que vous avez commencé et récemment la Une de Fluide Glacial sur le tatouage.

Il faut que je retravaille le scénario de Little Tulip et savoir comment je vais conduire cette histoire. Pour le tatouage avec Fluide ç’était rigolo à faire, plein d’humour. Le tatouage est incontournable. J’ai aussi participé au numéro spécial de Tintin. Après ce sera le retour du Petit Pape dont j’ai fait 30 pages et je vais expliquer pourquoi il s’appelle Pie 3.14. Il fait des circonférences épiscopales. Mais la Terre devenait carrée à cause de la prolifération des racines carrées de pissenlits. Il faut les extraire.

Hors-série N°104 spécial tattoo

Combattre la quadrature du cercle.

Oui et le Vatican envoie ses évêques se battre contre cette prolifération.

Pour revenir au Bouncer vous avez eu des sources d’inspirations cinéma ou séries ?

Pour Hécatombe j’ai privilégié le travail sur l’intrigue. Pour le prochain il y a deux séries que j’ai aimé, The English, une anglaise et puis Yellow Stone avec Kevin Costner. Ils ont fait des préquels très bien dont 1883. Tout est impeccable. Ils montrent un Ouest violent et réaliste. C’est ma voie pour le futur où je veux sortir de la ville avec le Bouncer.

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