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Florida, un voyage au bout de l’espoir

Avec La Vision de Bacchus, Jean Dytar avait montré qu’il était un talent accompli, que la BD était pour lui un moyen d’expression artistique qu’il savait magnifier. Dytar est d’une rare sincérité dans ses écrits et son dessin. On l’avait dit et retrouver Dytar avec son nouvel opus, Florida, est un moment d’exception. Rien n’échappe à l’auteur de cette fresque grandiose, méconnue des premières colonies sur les côtes du sud de l’Amérique ou des cartes qui allaient permettre d’explorer le nouveau monde. Dytar signe des pages à nulles autres comparables. Le romanesque côtoie la grande Histoire. Il a annoncé lui-même par un bref message la sortie de son troisième album de bande dessinée, Florida : « C’est un beau bébé de 256 pages. Après quatre ans de gestation, quel plaisir de le voir exister et désormais partir à la rencontre du vaste monde ! Bonne lecture et bon voyage ».

La guerre de religion gronde en France. Walter Raleigh vient apprendre la mort de Coligny et la Saint Barthélémy à son ami Jacques Le Moyne à Londres. Il est marié à Éléonore. Le Moyne est protestant et s’est réfugié en Angleterre mais il a accompagné comme cartographe et dessinateur autrefois les premiers colons s’installer en Floride. Traumatisé par ce qui s’est passé il ne veut plus aborder le sujet. Éléonore enfant a vu travailler Guillaume Le Testu sur ses cartes du monde. Avec lui la petite fille va apprendre la cartographie. Dix ans plus tard Raleigh est de retour. Il veut convaincre le mari d’Éléonore de témoigner de son expérience en Floride dont il est l’un des rares survivants. Éléonore n’est pas insensible au charme du gentilhomme anglais. Le Testu ne dessine plus que des fleurs mais accepte une invitation à diner chez un favori de la reine Elisabeth. On le questionne sur De Laudonnière qui commandait l’expédition. Mais Le Testu refuse de parler. Il se souvient comment Coligny l’a convaincu de partir en Floride qui pouvait devenir une colonie française et protestante. Éléonore se remet à dessiner des cartes.

C’est une longue saga, dont il fut savoir apprécier toute la finesse, la complexité des attitudes liée à la non moins délicate évocation de souvenirs insoutenables. Florida se lit à la fois comme un roman mais rappelle la réalité de l’expédition de Ribault et de Laudonnière en 1564. Le Moyne en sera le témoin mais impuissant face aux massacres et aux attaques espagnoles. Le Moyne est un survivant qui va finir par s’épancher par amour de sa femme et pour se libérer. Les Indiens, ses dessins, ses cartes, il est un explorateur qui s’ignorera volontairement. Il a vraiment existé. Dytar a réalisé un travail d’historien sur ce personnage hors du commun dont il a réussi à rendre toute la grandeur et la modestie malgré qu’il ait été un héros malgré lui. Le dessin de Dytar est sobre tout en appuyant sur les traits de caractère qu’il veut mettre en relief. Un journal de voyage qui est aussi un hommage.

Florida, Delcourt Mirages, 27,95 €

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