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Le Combat d’Henry Fleming, seul face à sa guerre

Cinq branches de coton noir avait été l’un des monuments de 2018. On se souvient que les héros de cet album symbolique étaient en quelque sorte les sauveurs d’un soldat Ryan en tissu et étoilé. Ils vont se battre pour une cause, la reconnaissance des Noirs comme partie intégrante de la nation américaine. C’était Sente qui avait écrit le scénario. Pour le Combat d’Henry Fleming, Steve Cuzor a joué cavalier seul, enfin presque, puisqu’il a adapté ce que d’aucuns qualifient comme le plus grand roman de guerre américain, The Red Badge of courage de Stephen Crane. On parlera plutôt de classique car dans le domaine il y a par exemple Hemingway. Reste que Cuzor s’est embarqué aux trousses d’un jeune volontaire nordiste en pleine guerre de Sécession, Henry Fleming. Et qu’il va faire vivre ses lecteurs au plus près du ressenti d’un gamin qui en fait ne sait plus où il habite, humain perdu qui oscille entre courage, folie et peur horrible. Un grand moment qui par contre a un rythme narratif parfois affaibli qui peut déconcerter.

1863, en Virginie, les Nordistes se préparent à l’assaut. Un tuyau obtenu par Jim Wilson. Fini les manœuvres, on va attaquer. Ce qui n’a pas l’air de convaincre le jeune Henry qui se souvient combien il a été difficile de partir s’engager contre l’avis de sa mère. Patriotisme et interrogations sur lui-même. Sera-t-il capable d’affronter la mort sans être un lâche ? Jim Wilson persiste et sait que son régiment de paysans se battra bien. Henry de garde s’interroge, exercices, attaques, exercices et se fait tirer dessus par un Sudiste qui le manque volontairement. Marche au pas, message pour le général et reprise de la colonne. Tous sont prêts à faire leur part du travail quand la guerre les rattrape. Henry est un mouton dans un troupeau qui part à l’abattoir. Charge mortelle, contre-attaque à la baïonnette, vagues ennemies déferlantes, des morts par centaines, des nerfs craquent mais rien n’arrête les balles, ni les obus. Henry tire, recharge, tire. Victoire ? Non. Un contre-offensive se déploie.

Le souffle du dessin de Steve Cuzor est incomparable, les visages, les détails, les décors, on est dans une sorte de Waterloo après l’heure et qui ira jusqu’en 1914. L’aplat couleur monochrome est parfait. La progression intellectuelle de Henry voulue par Crane est sincèrement restituée par Cuzor. On peut toucher des yeux ce qu’on vécu ces hommes envoyés à la mort par vagues entières. Il aurait peut-être fallu recentrer le récit mais quoiqu’il en soit ce Cuzor est un modèle du genre, évocateur, plaidoyer et constat de toutes les guerres, leur bêtises coupables sous un trait inégalable.

Le Combat d’Henry Fleming, Aire Libre Dupuis, 26 €

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