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Le Quatrième mur, pour la paix seul envers et contre tous

Un Beyrouth auquel ressemble Alep aujourd’hui même si la guerre au Liban au début des années 80 n’a rien à voir avec les causes de celle qui ensanglante la Syrie. Et un homme, Simon, qui a promis venir jouer Anouilh à Beyrouth avec des acteurs de toute confession et de tout clan. Antigone sera au programme. Le Quatrième mur de Sorj Chalandon, Corbeyran et Horne est un drame en plusieurs actes qui comme la pièce aura une fin digne de la tragédie d’Anouilh et de celle qui a endeuillé le Liban. Un moment d’une rare intensité, bourré d’émotion et de larmes, d’espoir fragile et de désespoir, d’humanité.

Samuel Akounis va rencontrer Georges pendant une manifestation à Paris. Simon s’est battu contre la dictature des colonels en Grèce. On est en 1974 et il témoigne devant les étudiants. Georges vient du théâtre comme Samuel qui a monté Antigone en Grèce au moment où les char arrivaient. Il explique ce qu’est le quatrième mur, le moment où le comédien en scène s’isole du public. Samuel revient sur son passé et sur la grande Histoire, sur Manouchian et les fusillés de l’Affiche rouge. Georges se marie et a un enfant, rentre dans le rang. Quand plus tard il retrouve Samuel il est à l’hôpital. Samuel lui raconte comment il a décidé de monter la pièce d’Anouilh à Beyrouth déchiré par une guerre civile, politique et religieuse. Chrétiens, Palestiniens, Sunnites, Chiites, Druzes, la Suisse du Moyen-Orient est devenu un piège de feu et de mort. La maladie empêche Samuel de repartir au Liban où déjà il a ses acteurs, tous de confessions différentes. C’est à Georges de prendre la relève.

C’est en quelque sorte un chemin de croix celui de Georges qui va vouloir aller au bout de sa promesse, d’une certaine forme d’utopie qu’il veut faire coïncider à la réalité. A Beyrouth il découvre ce qu’est la guerre bien loin des micro-drames européens, des manifs encadrées, des soucis de riches. Ses acteurs seront finalement ses apôtres réunis pour une seule et unique représentation. Encore faut-il qu’elle ait lieu. Georges est le héros et la voix off de ce drame qui va se jouer dans une ville en ruine. La guerre va déborder. Israël, Sabra et Chatila (septembre 1982), puis la Syrie, l’ONU, le Liban continuera à sombrer. On n’en sort pas intact de ce Quatrième mur qui montre que la grandeur de l’homme est de pouvoir croire en l’impossible. Un grand moment de littérature dessinée adapté du roman de Sorj Chalandon dont tous les auteurs sont à remercier.

Le Quatrième Mur, Marabulles, 17,95 €

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