40 Hommes et 12 fusils, la guerre d’Indochine au plus près

Il y a très peu, pour ne pas dire aucune BD qui traite correctement de la guerre d’Indochine, de la française, qui a duré de 1946 à 1954 pour finir avec la défaite de Ðiện Biên Phủ. Avec 40 Hommes et 12 fusils Marcelino Truong a réussi un exploit, redonner son vrai visage à cette guerre morte et encore plus étonnant du côté Vietminh, ces Vietnamiens qui combattaient les Français mais aussi leurs propres compatriotes. Il ne faut pas oublier que deux camps se sont affrontés idéologiquement avec pour résultat le départ de la France et le pays coupé en deux. Ce sera ensuite en 1975 avec la prise de Saïgon (future Hô Chi Minh-Ville) la victoire du Nord Vietnam communiste contre le Sud malgré l’aide des USA qui mettra un terme aux guerres d’Indochine et réunifiera le pays. Le récit, le dessin, les détails, l’authenticité de tout le recueil est, quand on connait le sujet, remarquable et fera date.

40 Hommes et 12 fusils

Hanoï, le Petit Lac, en 1953 le Vietnam est sous domination française. La guerre a enflammé le pays, les campagnes sont le plus souvent aux mains du Vietminh. Bao Dai, ex-empereur est censé diriger le pays. En face de lui il y a Ho Chi Minh et ses Bodoi qui marquent des points et veulent le départ de la France avec l’aide de la Chine dont les frontières sont communes au nord. Minh est un jeune homme de riche famille, artiste peintre qui rêve de Paris et fiancée bientôt à la belle Zan. Minh est convoqué d’urgence chez son père car il va être incorporé dans l’armée vietnamienne, ce qui ne l’enchante pas. Son père lui a préparé une issue de secours, un sursis et l’envoie diriger leurs terres en province. Minh n’a pas le choix, quitte Zan et part d’Hanoï en bus. Il découvre ce qu’est la guerre dans le delta du Tonkin, le poids des Viets et quand il continue sa route en vélo il est arrêté par une patrouille communiste. Bien qu’il ait un laisser-passer communiste, il n’a pas le choix. Il doit intégrer le Vietminh et devenir un combattant ou mourir.

40 Hommes et 12 fusils

Tout est juste dans cette fiction dont Minh est le fil rouge pour raconter, décrire cette guerre coloniale sans pitié. Rien n’est caché d’un côté comme de l’autre tout en comprenant que la force de Hô Chi Minh a été d’imposer par la force et les mots une idéologie communiste poussée à l’extrême. Minh sera soldat en première ligne, arpentera les pistes avec deux camarades, deviendra un dessinateur au service de la propagande Viêt redoutable, se battra à Ðiện Biên Phủ. Truong alterne noir et blanc et couleur pour ses planches à dessin unique. Rien ne manque dans cette reconstitution parfaite de l’univers du Bodoi qui se bat pour la liberté qu’on lui promet, pas un casque en latanier ou une carabine US prise à l’ennemi, des tracts authentiques reproduits, les rues d’Hanoï, les campagnes ou les rizières. Le dessin est d’un réalisme saisissant.

40 Hommes et 12 fusils

Près de 300 pages dans la lignée mais fiction cette fois de Une si jolie petite guerre et de son Give peace a chance autobiographiques, Marcelino Truong a fait indirectement acte de mémoire pour cette guerre qui a laissé les Français de métropole à l’époque plus ou moins indifférent car faite par des soldats de métier, sans population française locale rapatriée. Un bouquin à placer dans toutes les bibliothèques BD historiques pour ses qualités entre autres de documentation. Sans oublier que le Vietnam est l’un des plus beaux et des plus attachants pays du monde où il faut absolument aller arpenter les Hauts Plateaux tonkinois chez les Hmongs ou le delta pour comprendre qu’il y a des guerres ingagnables.

40 Hommes et 12 fusils, Indochine 1954, Éditions Denoël Graphic, 28,90 €

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