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Le Don de Rachel, vers de nouveaux mondes

Quand on a lu Le Don de Rachel de Anne-Caroline Pandolfo et Terkel Risbjerg (Perceval, L’Astragale, qu’ils ont co-signé) on a, en fermant l’album, un réflexe immédiat (et peut-être stupide), savoir si cette Rachel Archer a vraiment existé. Un personnage authentique de médium comme il y en a eu pas mal au XIXe siècle, adoubée par Houdini, aurait-elle pu inspirer les auteurs ? A priori non car, quand on y réfléchit, sur les pages réalistes qui racontent le don hors norme de Rachel, il y a une métaphore, celle de la transmission artistique, de la création vers de nouveaux mondes, de la difficulté de l’écriture, son emprise, le tout dans une enveloppe où le mystère ne fait que grandir, flirtant avec le fantastique et l’inexplicable. Autant dire que Le Don de Rachel est en tout point, récit et dessin, remarquable, une initiation que la jeune femme offre dans un monde où pragmatisme, raison règnent en maître.

En 1848, Rachel est capable de rédiger un poème que Hugo écrira dix ans plus tard. Rachel Archer est un médium au pouvoir implacable. Elle connait le futur des spectateurs sceptiques qui assistent à ses séances. Avec des détails redoutables, impensables mais vrais. Rachel ne ne veut ni mari ou enfant comme elle le dit à son compagnon poète. Elle a en elle quelque chose que les autres n’ont pas et veut le partager. Elle voit à travers les choses et les gens. Est-elle une sorcière, une manipulatrice ? Elle a un succès indéniable et son ami écrit sur elle un livre sue sa muse, Le Don de Rachel, qui un beau jour va disparaître. Il ne reste d’elle qu’une photo, un daguerréotype. Elle savait aussi lire à travers les photos.

De transe en promenade dans les inconscients, Rachel capte ses visions, telle la pythie, devenue l’égérie des familles royales amusées, aurait pu avoir une fin romanesque, après avoir éblouir Dumas. On aurait pu en rester là mais la suite est à la hauteur du mystère de cette muse évanescente évaporée qui pourrait bien se réincarner, influencer, passionner d’autres âmes sœur. Rachel est-elle un fantôme ? C’est ce qu’il faudra découvrir plus tard avec une chorégraphe et une photographe. Le dessin de Terkel Risbjerg est beau, envoûtant tant le regard de Rachel est d’un bleu pénétrant, insistant, scrutateur. Rachel est convaincue, inspire, et transcende, immortelle. Un des grands albums de cette année 2021 dont on devrait entendre parler.

Le Don de Rachel, Casterman, 24,50 €

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