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L’Ombre d’antan, la Serbie dans la Grande Guerre

Un moment de l’histoire peu connu pour ne pas dire oublié, la Serbie dans la guerre de 14-18. Si on sait tous que c’est l’attentat de Sarajevo et l’assassinat de François Ferdinand par le nationaliste serbe de Bosnie Gavrilo Princip qui a mis le feu aux poudres, ce n’est pas pour autant que l’on connait le lourd bilan que la Serbie a payé à la guerre, près d’un million et demi de morts civils et militaires. Dans L’Ombre d’antan, c’est sur la grande guerre vue le plus souvent du côté serbe face à l’Autriche que reviennent ces histoires courtes écrites et dessinées par une belle pléiade d’auteurs, de Rodolphe à Dobbs ou Dufranne pour la France, mais surtout une majorité de noms venus des pays de l’Est dont de Serbie comme Janjetov, Maza, Kordey ou Gajic. Sans oublier non plus l’entente franco-serbe qui permettra de sauver des vies alors que tout semblait perdu pour l’armée serbe.

Au bout d’un an de guerre l’armée serbe bat en retraite accompagnée par une partie de la population. En 1915 il leur faut traverser l’Albanie ce qui va être un chemin de croix pour les vaincus attaqués dans le neige par les Albanais. C’est le thème de la première histoire au réalisme impressionnant et au dessin sans concession de Kovacevic. Un sous-marin français, le Curie, va lui aussi payer un lourd tribut dans le port de Pola pour tenter de couler la flotte austro-hongroise. Ligne claire en hommage à une mission suicide. Et puis il y a L’Ange gardien, histoire de ce soldat serbe dont le casque a évité qu’il ne meure tué par un éclat. Un papier plié en quatre y était caché souhaitant bonne chance à celui qui le porterait. En 1919, pour le défilé de la victoire, le survivant revient en France et retrouve celle qui avait écrit ce porte-bonheur. Une histoire de Bruno Falba et un dessin sépia de Gajic. On lira aussi l’histoire de Yanko le berger qui va sauver les quelques membres de sa famille épargnés par les Autrichiens. Enfin, Kordey dans Le Conscrit dévoile de son trait si fort le vrai visage d’une infirmière à grande faux.

Quatorze histoires, une préface à lire pour bien s’imprégner du contexte méconnu, un dossier historique en fin d’album bien fait et largement illustré, cet album est important à plus d’un titre. L’Ombre d’antan, initialement publié en Serbie est certes une BD qui s’inscrit pour certaines de ses histoires dans le projet Lignes de front. C’est aussi un hommage, un rappel et le souvenir de cette amitié franco-serbe en 14-18. La guerre est la cible des récits, sans glorification. On fusille pour l’exemple, on se bat dans le ciel et dans la boue. Et on meurt par millions.

L’Ombre d’antan, récits de la Grande Guerre, Éditions Inukshuk System comics, 27 €

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