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Tanz, un merveilleux pas de deux

Voilà un titre qui aurait pu passer inaperçu, par paresse, manque de curiosité coupable ou faiblesse quand on a accès à un choix plus que large d’albums dont nombre de poids-lourds ou des récidivistes connus. La facilité est mauvaise conseillère. Avec Tanz, cela eut été dommage, injuste à plus d’un titre mais avant tout à cause du vrai bonheur qu’exhale cette histoire de pas de deux sur fond de Fred Astaire et Ginger Rogers ressuscités. Maurane Mazars replonge à la fin des années cinquante, en Allemagne où on n’a pas encore vraiment digéré la nazisme mais où on créé, puis à New York où à Broadway la comédie musicale devient la reine des théâtres. Il fallait un guide, pur et beau, joyeux et optimiste. Uli, 19 ans, sera celui-là. Pour un voyage émouvant, parfois un soupçon triste, le plus souvent bouillonnant de vie sur un trait qui virevolte et des couleurs qui chantent. On retrouvera sûrement bientôt la talentueuse Maurane Mazars récompensée par le Prix Raymond Leblanc de la jeune création pour Tanz.

Uli est en Allemagne, apprend la danse, s’inspire de Fred Astaire ce qui est pour le moins dépassé aux yeux de sa prof si ce n’est une erreur. La Folkwang Institut n’est pas une sinécure mais à une vision de l’art. A Essen, il se nourrit de films dansés, trouve un copain et se prépare à un voyage à Berlin. On est en 1957, il rêve de Gene Kelly qui pour les autres passe pour un acrobate issu d’une culture manufacturée. Berlin ce sont des zones d’occupation, pas déjà le Mur mais encore des ruines. Boites de nuit, rencontre avec des Américains qui parle de Merle Thompson. Anthony qui est de New York devient son amant. Il danse dans Show Boat bien que rêvant de ballet. Retour à Essen, Uli se donne à corps perdu revient à Londres pour ses parents qui ont quitté l’Allemagne avant la guerre. Mais sa prochaine étape sera New York où il pressent qu’est son destin.

Fluide comme effectivement une belle chorégraphie, cet album a un charme fou. Auditions, Kerouac débute et ses mots dansent, retrouvailles pas vraiment cordiales avec Anthony, premier rôle. Où est le bonheur ? Discussions, échanges et liberté sexuelle avant la lettre, mais racisme, ségrégation, Harlem, naissance de la compagnie Alvin Ailey, on retrouve des marques, des souvenirs à travers l’histoire dont le dessin est d’une rare force évocatrice, douce mais enlevée.

Tanz, Le Lombard, 19,99 €

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