Quand le Cirque est venu, liberté chérie par Wilfrid Lupano

Pas facile d’aborder dans un conte pour enfants des sujets comme la dictature, la liberté, la course aux honneurs, les courtisans, l’humour. On pouvait faire confiance toutefois au talent de Wilfrid Lupano pour ne pas s’embarquer à la légère dans une aventure où d’un coup de baguette magique accompagné du crayon non moins doué de Stéphane Fert, il réussit à faire comprendre, éclairer l’esprit sur des thèmes dont on ne doit pas nier l’importance et la gravité surtout aujourd’hui. Quand le Cirque est venu est en tout point un petit bijou. Il faut, ce serait le mieux, le lire avec ses enfants pour au fur et à mesure partager avec eux leurs inévitables émotions.

Quand le Cirque est venu Le général Poutche aime l’ordre et il a pris le pouvoir face à des doux rêveurs qui passaient leur temps à bavarder, un énorme bazar. Finie la liberté, l’ordre doit régner, au bouton de guêtre prêt. Et ceux qui obéissent auront des médailles à défaut de nourriture. Des patates pour tous et aussi sur le cœur pour le bon peuple. Quand débarque en ville un cirque, le général n’est pas content mais on lui fait valoir qu’à défaut de panem, les circenses pourraient changer les idées noires de la population. Un cirque n’est pas dangereux. Les artistes n’ont pas de chef ce qui étonne Poutche. Si ils veulent faire leurs numéros il y a des limites et des bornes à ne pas dépasser. Un pays bien dirigé a des limites. On ne peut pas tout faire ou penser. Sinon au Gueunouf, la prison du général. Commence alors la représentation et Poutche ne va pas apprécier que l’on dompte le tigre ou que le colosse brise se chaines.

Des images, les chaines et la liberté, la censure, pas question de se laisser passer dessus par un funambule, un tyran a son amour propre. Qu’est ce qui pourrait bien le déstabiliser ? Tout l’art de Lupano est dans la suggestion, l’humour subtil, l’appel à aller plus loin à travers de scènes qui pourtant semblent banales et sans conséquences. Poutche ressemble à Charlot dans Le Dictateur. Pouvoir dire ce que l’on veut, la liberté d’expression, l’échange et pas à sens unique, le ton est rapide, nerveux, les mots choisis font mouche. L’histoire aussi et le dessin la met en relief, la structure, l’appuie. Un sacré luron ce général Poutche avec ses lunettes noires à la Jaruzelski. Encore un marrant celui-là. Un album aux très belles couleurs à offrir avec un jeu enfin de pages.

Quand le Cirque est venu, Delcourt, 14,50 €

Quand le Cirque est venu

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