L’Invitation de Michaël Cohen a été adapté de la BD écrite par Jim. Dominique Mermoux en avait dessiné avec talent les cases. Le film en reprend très largement l’histoire de Jim, celle de copains qui vont jauger leur amitié. Jusqu’où Léo joué par Nicolas Bedos et Raphaël iront-ils dans ce test grandeur nature ? Jim revient sur le film (l’album vient d’être réédité) et ses projets, nombreux, pour le grand écran. Dans la prochaine interview Jim parlera BD et de ses prochains albums. Propos recueillis par Jean-Laurent TRUC
Revenons brièvement, Jim, sur la genèse de l’adaptation de L’Invitation sur grand écran.
Dominique et moi avions mis deux ans à faire l’album paru en 2010. Une fois que je l’ai eu en main et comme j’étais en contact avec des producteurs, j’ai pensé qu’on pouvait penser à une adaptation. C’était périlleux parce que c’est l’album que j’ai écrit qui était le moins cinématographique à priori, j’en avais bien conscience. Deux gars qui discutent sur un bord de route c’est une joute verbale pas très spectaculaire, mais il me semblait qu’il y avait quelque chose du rapport à l’amitié, du défi, qui pouvait donner à suivre deux rôles intéressant, deux oppositions… et puis, il y a une tradition du film de copains, et celui-là chercherait alors à se démarquer. Pas de barbecues, de mariages, je l’avais écrit comme une sorte de pied de nez aux codes habituels…
Ensuite, un de mes copains (merci Arnaud !) a joué les agents et a envoyé scénario et BD à des sociétés de production. Voilà comment j’ai rencontré le réalisateur Michaël Cohen qui s’est révélé d’une personnalité très attachante. J’ai pu suivre de près toutes les étapes comme l’enthousiasme, l’attente, les remises en question, le découragement, la persévérance… qui ponctuent parfois un projet pareil.
Comment cela se passe une adaptation de BD. On retravaille le scénario ?
Le scénario a été revu et corrigé, les versions se suivent et ne se ressemblent pas forcément. Michaël Cohen voulait le réécrire et ce qui m’a plu c’est que quand il rajoutait des séquences il était dans le ton de la BD. Après s’être éloigné de la bd et s’être un peu perdu de son propre aveu, il a rencontré d’autres scénaristes qui ont conclu qu’il fallait revenir à l’esprit de la BD.
Après il y a eu les recherches d’acteurs. Quand Nicolas Bedos est rentré dans la boucle, il a tenu à ajouter des petites choses dans les dialogues, faire quelques propositions. Mais le personnage de ma BD était finalement très proche de lui. Des spectateurs peuvent même imaginer que c’est leur amitié qui est la base de l’histoire. Pas du tout bien sûr, mais c’était un type de personnage qui correspond bien à Nicolas Bedos.
Vous avez vu le film ?
Je l’ai vu cinq fois. Je crois que j’ai une bonne vision de ses qualités et de ses défauts. Il est très fidèle à la BD, très proche. La première projection a été la plus angoissante : est-ce que j’allais être en accord avec le résultat final ? J’étais allé deux fois sur le tournage mais cela ne donne évidemment pas une vision générale de ce que sera le film. Et finalement, j’ai très vite été rassuré. On n’est vraiment pas loin de la BD. Il n’y a pas de trahison, il y a au contraire un étonnant prolongement de l’esprit de la BD. Le ton est bien là, le sens des joutes verbales aussi, j’en suis très satisfait. Mais le film est atypique, je peux comprendre qu’on puisse ne pas y adhérer.
Parce que l’air du temps est aux films très rapides, clipés. Une sorte d’obsession du rythme, de la vanne, de la musique qui dynamise… Alors qu’ici pas du tout, le film prend son temps. On y discute. Il y a de l’amertume dans le personnage de Nicolas Bedos, de la tristesse dans les sourires, une profondeur amère sous la bonne humeur… Et j’y suis particulièrement sensible.
Le film est à l’affiche ce mercredi 9 novembre. Comment allez-vous recevoir les éventuelles critiques ?
J’essaie d’être dans le plaisir. Mais oui, je vais guetter. Après, c’est le jeu des critiques, on ne peut rien y faire, bonnes ou mauvaises, il y aura sans doute du vrai dans chacune, et quelques excès. C’est le premier de mes albums adapté. J’aime le film et j’espère aussi que ceux qui ont aimé la BD s’y retrouveront, comme tout auteur adapté. On est forcément un peu effrayé quand on voit tous les films qui sortent ce jour là en même temps que L’Invitation. On est dans une sortie modeste avec une centaine de copies, ce n’est pas un blockbuster, mais j’espère que les spectateurs seront sensibles à son aspect humain. Finalement c’est aussi comme en BD, quand sort un Titeuf ou un nouvel Astérix et que sa propre BD est un peu perdue dans le flot sur une pile à côté.
On peut passer du film à la BD ou le contraire ?
Pas obligé. Le film se suffit à lui-même. À noter que la semaine prochaine il y a Polina qui sort adapté de l’album formidable de Bastien Vivès. Je comprends qu’on aille de plus en plus chercher des films du côté de la BD. On est libre quand on écrit une BD. Nettement moins quand on écrit un scénario pour le cinéma avec des contraintes marketing. C’est toute l’ironie, les producteurs s’intéressent à des scénarios qui n’auraient jamais été écrit si on les avait écoutés… (Rires)
Après L’Invitation, quels sont vous autres projets d’adaptation d’albums sur grand écran ?
À ce jour, ce sont l’Érection, Héléna et Une Nuit à Rome. Le plus avancé est L’Érection dont le scénario est écrit avec Bernard Jeanjean. On en est au casting. Même si le tome deux n’est pas encore publié, j’en avais totalement écrit le scénario. Donc en écrire l’adaptation a été plus simple, on savait tous où on allait !
Ce n’était pas un risque de justement être tenté de modifier le scénario de la BD en fonction de celui du film ?
J’ai bien fait le distinguo. Je n’ai pas relu le scénario du film en préparant le tome 2 de L’Érection dessiné par Lounis Chabane, je suis resté calé sur le scénario BD initial. Pour Une Nuit à Rome, c’est un gros producteur qui est sur le projet. Pour Héléna on en est aux débuts seulement, on doit signer dans les jours qui viennent.
Vous avez également, je crois, d’autres chantiers cinématographiques ?
Il y a effectivement les adaptations de mes BD mais aussi les films sur lesquels je travaille en parallèle. Il y en a trois autres spécialement écrits pour le cinéma. Dans Avec mes fils, Line Renaud, un personnage formidable, pourrait être pressentie pour le rôle principal. Je cherchais une femme à la nature positive qui me permettrait de parler de la maladie sans être déprimant.
Dans Un Noël à Paris, c’est une comédie de remariage, l’histoire d’un couple qui veut échapper au traditionnel Noël obligé, en famille, et qui sèche comme on sèche l’école… Le troisième, J’aime autant qu’on ne se quitte pas, est en coréalisation avec Stéphan Kot… et nous parle d’Italie. Dans ces trois cas je suis attaché à la réalisation. Je n’étais pas naturellement disposé à avoir autant de projets en même temps mais les films sont longs à monter, et plutôt qu’attendre, des idées germent… et j’écris !
Le cinéma vous prend beaucoup de temps par rapport à la BD ? Vous êtes un cinéphile ?
Je dirais que c’est plus de la moitié de mon temps en ce moment. C’est pour ça que je ne sors plus beaucoup de BD, hélas… Je crois que je suis un cinéphile grand public. Je vais au cinéma tout en étant aussi fan de séries… mais quand on aime la fiction, qui n’est pas fan de séries ?
L’Invitation, Vents d’Ouest, 17,50 €
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