L’odyssée du Jakarta a inspiré Xavier Dorison qui aime les personnages complexes, inattendus et Thimothée Montaigne au dessin. On en est au tome 2 et dernier de 1629 où désormais tout va se jouer sur les îlots entre clans rivaux sous la pression d’un homme terrifiant, Jéronimus Cornélius apothicaire diabolique, le regard ambigu de la belle Lucrétia, des passagers trop nombreux pour tous survivre. Il y aura aussi Pelsaert qui a démasqué Cornélius et est parti chercher de secours en chaloupe. Sans oublier le détonateur, le trésor à bord du navire de la VOC, compagnie hollandaise des Indes Orientales qui a affrété une flotte dont le Jakarta vers Java. Pas des marrants non plus les officiers de la VOC aux ordres quels qu’ils soient. Un drame parfaitement rendu, mis en scène, psychologiquement bien décrit et effrayant.
Une île au large de l’Australie, les naufragés auraient pu survivre mais on retrouve Cornélius blessé, une joie pour tout ceux qui croient qu’il est le chef idéal pour les sortir de là. Ce qui n’est pas l’avis de Lucrétia qui l’achèverait bien. Mais le barbier sait que Cornélius est le plus haut gradé de la VOC donc intouchable malgré ses turpitudes. De plus il a fédéré des mutins dangereux. Il retrouve des forces, constate les progrès faits pour survivre et on lui attribue un logement hors normes dans la carcasse du navire. Il fait rassembler armes et nourriture sous sa seule garde et se montre prévenant avec Lucrétia. Elle le repousse et demande à travailler comme les autres. Cornélius réussir à convaincre sa dizaine de fidèles qu’ils peuvent venir à bout des 200 naufragés. La seule solution est d’attendre que la VOC envoie des secours pour récupérer son trésor. Mais il va falloir sacrifier plus de 180 naufragés pour survivre à 40. Cornelius fait miroiter le trésor et on va envoyer des marins vers des îlots où il n’y a rien et mourront. Fausses accusations, exécutions sommaires, tous acceptent face au manipulateur séduisant et efficace qu’est Jéronimus qui continue à envoyer des naufragés à leur mort, tués à bord de la chaloupe par ses partisans.
Il y a dans cette histoire véridique bien que romancée par Dorison un pragmatisme mortel sans états d’âme de la part de celui qui tient les rênes, Jéronimus. L’horreur est pure mais maîtrisée, logique. De quoi faire passer Le Radeau de la Méduse pour une partie de plaisir. Une fois encore personne ne bouge sauf Lucrétia mais qui n’ira pas au bout de ce qui aurait pu faire basculer la situation, aimer ou faire semblant Jéronimus. Un vrai thriller avec en toile de fond une Compagnie des Indes maîtresse du commerce mondial, toute puissante et sans pitié. Xavier Dorison a une écriture toujours aussi riche et efficace, trace des portraits avec talent. Thimothée Montaigne au dessin fait surgir par ses images fortes ce voyage au bout de l’enfer. Un diptyque remarquable dont on est un témoin quasi présent sur l’île maudite.
1629, ou l’effrayante histoire des naufragés du Jakarta, Tome 2, L’île rouge, Éditions Glénat, 24,99 €
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