Le Partage des mondes, le très beau conte d’Isaac et Mary

Olivier Grenson a pris le Blitz, en 1940, les bombardements acharnés et meurtriers sur les civils londoniens par l’aviation allemande, comme cadre d’un superbe conte réaliste, une belle aventure humaine, Le Partage des mondes. Il y a ajouté une part à la fois philosophique, onirique, fantastique et mis en vedette deux personnages dont le destin a le hasard pour départ. Un monsieur d’un certain âge, une petite fille perdue dans la foule des réfugiés, de l’affection, une adoption presque d’un grand-père par procuration, un brave type. Que ce soit par le dessin, l’image, le récit et les textes, Grenson (La Fée assassine) signe un ouvrage qui lui appartient totalement et montre à nouveau son grand talent de créateur.

Londres sous les bombes, les maisons écroulées, le Blitz, les sirènes, les abris et le métro où se presse la population. Les flottes de Dornier, de Henkel 111 lâchent leurs cargaisons meurtrières. Isaac vit encore chez lui, seul. Il est marié à Eva qui vient de mourir. Il va rencontrer une petite fille Mary. Mais avant elle va s’échapper du groupe d’enfants ramenés à Londres après être allés s’abriter à la campagne. Avec son nounours, son bonnet rouge, Mary a décidé de rentrer seule chez elle car elle n’a pas vu sa mère sur le quai. Soudain les sirènes hurlent et Isaac la croise en pleurs. Il la prend avec lui, trouve sur elle l’étiquette qui dit qu’elle est une enfant évacuée mais presque illisible hormis Mary, Shoreditch un quartier de Londres. Que faire ? En parlant avec elle il lui montre une graine qui si on la plante deviendra un arbre et se met à lui raconter l’histoire du prince qui vivait au pays au-dessus des nuages, Jonas. Jonas parle aux arbres. Isaac a été marqué par les victimes qu’il a vu du Blitz. Avec Mary ils vont voir des éléphants qui volent mais Isaac va être obligé de s’occuper comme il peut de Mary sous les bombes.

Olivier Grenson a parfaitement maîtrisé l’alternance qu’il a voulu entre la réalité, la grande Histoire nécessaire à comprendre, le conteur que devient Isaac, son épouse, la petite fille qui sera le fil conducteur de ce très bel ouvrage. Malgré le circonstances, les rebondissements, on est dans une ode au bonheur même si on se doute un peu du final. Isaac est un personnage formidable. Grenson a réussi les 240 pages de son album bourré de charme et d’émotion, de sensibilité que l’on peut savourer à tout âge.

Le Partage des mondes, Le Lombard, 25,90 €