Don Quichotte de la Manche est la nouvelle adaptation graphique des frères Brizzi. Après Dante et son Enfer qui ne faisait pas dans la comédie et pour cause, avec Cervantes et le chevalier à la triste figure les Brizzi on voulu apporter sourire et humour en adaptant ce grand classique de la littérature espagnole, si ce n’est le plus connu. Don Quichotte de la Manche avec Paul et Gaétan Brizzi (qui nous avait annoncé cette adaptation à Montpellier) devient un gentil illuminé sûr de sa foi en la chevalerie, la défense de la veuve et de l’orphelin mais complètement décalé. Un chevalier au cœur pur, amoureux qui plus est, dont on se moque mais qui ira au bout de sa quête. Les Brizzi dont le coup de crayon est un émerveillement toujours renouvelé jouent comme dans le texte la carte de la farce, de la truculence, de la volonté de gloire d’un homme au demeurant sympathique et désintéressé. On va donc lui rendre une certaine forme d’hommage dans cette adaptation, sans nier sa folie douce ou violente car il ne rigole pas avec ses ennemis. Un vieux sage qui ne l’est pas, caricaturé, mais qui apporte émotion et tendresse. Les Brizzi revendique de s’être amusés comme Cervantes l’a fait à narrer ces aventures épiques, universelles et si bien mises en dessin, pages pleines en couleur dont ils vont venir nous parler à Montpellier le jeudi 9 novembre 2023 de 15h30 à 19h chez Azimuts, le jour même de la sortie de l’album.

Une tombe perdue près d’une petite église, qui était vraiment Don Alonzo Quizano qui se faisait appeler Don Quichotte ? On le connaissait dans la région comme un fou mais le curé va en dire plus, expliquer vraiment comment Don Quichotte a vécu sa passion alors qu’il était à l’abri du besoin. Il aimait les livres, les récits chevaleresques et se baptisa l’ingénieux Don Quichotte de la Manche. Le curé avait bien essayé de le détromper et quand le barbier est venu lui faire sa coupe il lui a volé son plat, devenu un casque idéal pour le nouveau preux chevalier. Tout est joué. Don Quichotte sur sa vieille Rossinante, lance en main part vers son destin et rencontre l’amour de sa vie, Dulcinée Del Toboso, gardienne d’oies en vérité qui se prénomme en fait Aldonza. Chevalier errant doit bien se nourrir. Une pause dans une auberge qu’il prend pour un château va lui permettre d’être adoubé par le tavernier et deux filles de joie. Il courra ensuite au secours d’un manant, sa carrière de héros ne fait que commencer.

La grande force des frères Brizzi est de faire redécouvrir Don Quichotte sous un autre jour sans pour autant toucher aux évènements clés de ses aventures. Les moulins à vent, Sancho, les bastonnades infligées à un doux poète sincère certes à l’épée facile, les amis qui vont tout faire pour soit se moquer de lui en le dupant, soit pour l’aider à retrouver sa raison, Don Quichotte vivra finalement le pire dont l’autodafé de ses livres sauf Rabelais ce qui est un signe et un clin d’œil. Ingérable Don Quichotte à la fois pitoyable et capable de faire couler les larmes d’émotion. Faut-il le plaindre ? Non car il ira au bout de son rêve. Les décors, les traits des personnages dont des femmes d’une beauté soutenue, le découpage, les Brizzi après Dante on réussit avec brio Cervantes en 194 pages superbes avant de passer bientôt à Edgar Poe.

Don Quichotte de la Manche, Éditions Daniel Maghen, 29 €