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Le décès de Bob de Groot père de Léonard et Robin Dubois

Les Éditions du Lombard nous ont appris le décès de Bob de Groot, survenu ce 17 novembre 2023 à Ottignies (Belgique), à l’âge de 82 ans. Scénariste, dessinateur et découvreur de talents, co-créateur des célèbres Léonard et Robin Dubois, il prit son envol sous l’aile des plus grands pour atteindre le firmament du 9e. On avait souvent rencontré Bob à Montpellier, à Fabrègues ou Bruxelles. Un homme charmant, amical, joyeux et d’une grande délicatesse qui va beaucoup nous manquer.

Bob de Groot. Patricia Mathieu ©

Comme le dit le commiqué du Lombard, loin de se limiter à la BD humoristique, il multiplia les collaborations dans tous les genres et laisse derrière lui une œuvre pléthorique à la mesure de son infatigable envie d’écrire. Dès l’enfance, ce natif de Bruxelles n’est intéressé que par une seule chose : la bande dessinée. Délaissant les cours dès que possible pour s’adonner à sa passion – quand bien même il s’agit dans un premier temps d’organiser les jeux de plage du journal Spirou. À croire qu’offrir rires et évasion aux enfants était une seconde nature chez Bob de Groot. Bien vite, il rejoint l’équipe du studio de dessins de l’éditeur de Marcinelle. Déjà prolifique, il publie son premier mini-récit dans Spirou en 1962, et place ici ou là dessins, strips et pages dans les quotidiens belges. Il attire l’attention de Maurice Tilleux, dont il devient un des assistants. Car s’il est doué d’une inventivité personnelle bouillonnante, Bob de Groot n’a pas non plus son pareil pour se glisser dans l’univers des autres, surtout s’il s’agit de leur écrire un gag désopilant dont il signe le story-board – habitude qu’il conservera toujours.

A Nîmes un moment de joie avec Bob de Groot et Olivier Grenson. JLT ®

C’est ainsi qu’il fait la connaissance de Philippe Liégeois, alias Turk. Tous deux sont alors auteurs complets mais l’un peine sur les scénarios et l’autre commence à vivre le dessin comme une limitation à son envie d’écrire toujours plus. La solution est toute trouvée, d’autant qu’ils partagent un goût certain pour l’absurde, les jeux de mots et le comique visuel à la Tex Avery. C’est le début d’une belle amitié, selon la formule consacrée. Les deux compères tapent un jour à la porte du Studio Greg. Rencontre déterminante s’il en fut : le créateur d’Achille Talon les prend sous son aile, négociant leurs premiers contrats avec Le Lombard, corrigeant les planches du jeune scénariste, jusqu’au jour où il n’a plus d’amélioration à lui suggérer. Ensemble, de Groot et Turk feront les riches heures du journal Tintin version Greg (lequel en prend la direction en 1965). Ils y créent Robin Dubois (publié dans Midi Libre à l’époque), qui leur vaudra souvent les honneurs des lecteurs, par l’entremise du référendum. C’est dans l’une des pages de cette série phare que, en 1974, de Groot a l’idée d’un vieil inventeur – Léonard – qui vient d’inventer le parcmètre.

Et un clin d’œil, un souvenir ancien quand Léonard et Robin passaient l’été dans le quotidien ®

Comme Greg lance Achille Talon Magazine, il leur demande de développer le concept qui, selon lui, se prêterait bien à une série comique. Une idée de génie : Léonard est né. Le reste appartient à l’Histoire, et dans le gag de Robin Dubois, le vieil inventeur s’appellera Mathusalem. Mais il serait dommage de réduire Bob de Groot à ses héros les plus célèbres. Ce serait oublier qu’il fut l’illustrateur d’une série de Fred. Que, sur le conseil de Jean Van Hamme, il s’aventura sur les rives du récit réaliste en écrivant pour Philippe Francq le sombre et touchant Des villes et des femmes. Qu’à l’instar de son mentor Greg, il fut rédacteur en chef d’un magazine, L’œuf, où il fut le premier à croire en un humoriste débutant nommé Philippe Geluck.

Bob de Groot. JLT ®

Qu’il sut avec succès se glisser dans les pas de Goscinny, Franquin ou Macherot pour écrire Lucky Luke, Modeste et Pompon ou Clifton. Qu’il fut directeur littéraire du groupe Alpen, où il révéla entre autres Jean-François Di Giorgio et André Taymans. Ou bien encore qu’il fût le scénariste, pour Jacques Landrain, de Digitaline, le premier album réalisé en numérique de l’histoire de la bande dessinée. Un comble pour ce scénariste qui n’écrivit qu’une seule planche sur un ordinateur, préférant inlassablement réaliser ses storyboards depuis le relais routier d’une station-service « où on [le] connaissait et on [le] laissait tranquille. » C’est depuis ce décor incongru qu’au fil de milliers de planches, il inscrivit son nom au Panthéon du 9e Art. Il ne le délaissa qu’en 2015, pour se consacrer à sa famille – en premier lieu sa femme Anne-Marie (que l’on a bien connue et à qui on dit toute notre tristesse) qu’il rencontra aux Éditions du Lombard. Elle en fut en effet l’attachée de presse émérite durant quatre décennies. Nos pensées l’accompagnent tout particulièrement, ainsi que leurs filles Régine et Joëlle.

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