Le décès de Claire Bretécher

On l’avait toujours suivie, au fil des années Pilote, de Spirou à Tintin, puis dans le Nouvel Obs, dans L’Écho des Savanes. Claire Bretécher, qui vient de disparaitre a marqué par son humour décalé, sa feinte légèreté, son trait caustique et ses textes toujours vrais, non seulement la BD mais aussi son époque, celle d’un 9e art qui bourgeonnait et a fait éclore avec elle l’une de ses plus belles fleurs. Cellulite, Les Naufragés, Les Frustrés, Agrippine, son trait était si reconnaissable, son humour net et touchant mais dur aussi. Claire Bretécher était une sensible, une femme dont l’émotion se ressentait dans ses œuvres et dans sa vie. Elle était aussi une redoutable chroniqueuse du quotidien. Pudique avec ce regard si beau qui se posait sur vous, vous effleurait et s’en allait souriant. Et voilà, elle est partie, tout doucement en nous laissant bien triste, désorienté, un peu beaucoup perdu.

Claire Bretécher
Claire Bretécher. Photo Rita Scaglia / Dargaud ©

Voici la biographie publiée par les éditions Dargaud : Née le 17 avril 1940 à Nantes et précocement terrassée par l’ennui, Claire Bretécher se lance très vite dans la bande dessinée, pour s’occuper. Au début des années 1960, après avoir laissé tomber les Beaux-Arts parce que la bande dessinée y est persona non grata, elle enseigne le dessin pendant neuf mois, puis elle livre des illustrations dans différents journaux du groupe Bayard. En 1963, elle rencontre René Goscinny qui l’invite à dessiner son Facteur Rhésus, bouleversante épopée d’un héros postal, dans L’Os à moelle. « J’ai été flattée de cette proposition, et puis je n’étais pas en position de refuser… Il me faisait dessiner des trucs que je ne savais pas dessiner : un ravalement d’immeuble, par exemple. Je suis nulle pour dessiner un ravalement d’immeuble ! D’ailleurs, il n’a pas été content du tout du résultat et il ne me l’a pas envoyé dire, avec courtoisie, comme toujours. Après, il m’a commandé des illustrations pour Pilote. »

En attendant, Bretécher collabore au journal Tintin en 1965 et 1966, puis, en 1968, crée la série Baratine et Molgaga dans le mensuel Record (Bayard Presse). De 1967 à 1971, Spirou l’accueille, d’abord pour quelques courts récits, lesquels laissent ensuite la place aux Gnangnan, aux Naufragés (texte de Raoul Cauvin), ainsi qu’à l’éphémère Robin des foies (texte d’Yvan Delporte). En 1977, elle refait une brève apparition dans le magazine – plus précisément dans son supplément Le Trombone illustré – pour y raconter les mésaventures de Fernand l’orphelin (texte d’Yvan Delporte). En 1969, elle commence, dans Pilote, les aventures de Cellulite (princesse plus ou moins médiévale et féministe avant l’heure) et ses futures Salades de saison. Elle y dessine également plusieurs bandes d’actualité. En 1972, elle participe à la création de L’Écho des savanes, avec ses amis Gotlib et Mandryka. Préfigurant ses inoubliables Frustrés, ses histoires se font plus acides. En 1973, elle est sollicitée par la presse chic : Le Sauvage, pour lequel elle dessine Le Bolot occidental, et Le Nouvel Observateur, où elle livre une planche hebdomadaire, bientôt intitulée La Page des Frustrés.

Petit travers

C’est également à cette époque qu’elle décide de se lancer dans l’autoédition — aventure passionnante et épuisante. Le premier album des Frustrés paraît en 1975. Après La Vie passionnée de Thérèse d’Avila (1980, réédité en 2007 chez Dargaud), elle édite en 1988 le premier album des aventures d’Agrippine (superbe prototype de l’ado); sept autres suivront. Le tout débouche sur une série de 26 dessins animés de vingt-six minutes, produits par Ellipse Animation et diffusés sur Canal+ à partir du mois de novembre 2001. Le huitième album d’Agrippine, intitulé Agrippine déconfite (Dargaud), sort en 2009. En dehors de la bande dessinée, Claire Bretécher pratique (avec grand talent) l’art de la peinture, en témoignent les portraits hypersensibles de ses proches (ou les autoportraits) tirés de ses carnets intimes et repris dans les albums Portraits (Denöel, 1983), Moments de lassitude (Hyphen, 1999) et Portraits sentimentaux (La Martinière, 2004).

Au fil de ses histoires, Claire Bretécher impose comme la plus grande humoriste- sociologue du 9e art. Faussement simpliste, son graphisme nerveux et précis soutient parfaitement son propos, lucide et sans concession — surtout quand sa cible est friquée, nombriliste et désabusée — mais plein de tendresse pour certaines femmes et à peu près tous les enfants.

Claire Bretécher

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