Interview : Nicolas de Crécy avec La République du Catch aux Rencontres du 9e Art BD d’Aix-en-Provence

Nicolas de Crécy revient à la BD avec La République du Catch (Casterman). Il a spécialement réalisé cette histoire publiée en premier au Japon dans le magazine UltraJump. Un manga qui raconte le destin d’un petit monsieur, Mario, vendeur de pianos sur lesquels joue un manchot. Mais sa boutique serait bien récupérée à des fins douteuses par sa propre famille, des mafieux dirigés par un bébé sans pitié qui va tendre un piège à Mario. Heureusement que Mario a des copains fantômes. Nicolas de Crécy, dans une ville à l’architecture envoûtante, signe une aventure foisonnante, douce-amère, tendre et violente, un mélange inédit et incomparable de genres. Nicolas de Crécy sera le 11 avril aux Rencontres du 9e Art à Aix-en-Provence. Propos recueillis par JL. TRUC.

Nicolas de Crécy
Nicolas de Crécy en interview chez Casterman. JLT ®

Retour à la BD alors que vous aviez dit que vous n’en feriez plus ?

Il faut arrêter avec ça. Je n’ai jamais dit que je ne ferai plus de BD. Cette phrase a été sortie de son contexte dans une interview que j’ai donnée il y a trois ans. Même si il y a pas mal de problèmes avec la BD en général aujourd’hui, j’ai toujours autant de motivation pour elle. La preuve.

La République du catch est destinée au départ à un public japonais ?

L’histoire a été pré-publiée au Japon depuis six mois. C’est vrai que je l’ai conçue pour les Japonais. Le découpage est plus fluide. J’ai essayé de trouver des éléments qui leur parlent. Il y a la thématique de la mafia, le catch qui est une parabole sur le sumo, des fantômes avec la mythologie des yokaïs, personnages surnaturels du folklore japonais.

D’où un œuvre atypique.

Oui, c’est ce mélange de cultures différentes qui donne une œuvre particulière. Je n’ai pas voulu faire un sous manga. La République du Catch est un vrai manga mais avec mon style que je tenais à garder. J’ai aimé retrouver le plaisir d’écrire, ce rapport à la littérature, créer par l’image mais aussi par l’écrit

La République du CatchVos dialogues sont à la fois souples et très travaillés.

Cela a été un plaisir, je le redis. J’ai passé dix mois au total sur cet ouvrage. C’est rapide. J’ai parfois dessiné jusqu’à trente pages par mois pour coller avec le rythme de la prépublication japonaise. Au départ, j’avais imaginé ces héros pour une autre histoire en 2004 pour un studio japonais. Cela devait être un court-métrage, Le Manchot mélomane. J’avais rangé l’idée dans un coin.

Comment est-elle revenue sur votre table à dessin ?

Je me suis dit que l’on pouvait en faire une histoire cohérente. Que rajouter ? J’ai intégré l’univers du catch et le personnage de la jeune catcheuse. Idem pour le celui du bébé chef de la mafia, un bébé méchant qui a décidé d’arrêter de grandir quand sa mère a un accident. Le décalage était amusant. Une vieille question de savoir quand un bébé cesse d’être tyrannique avec ceux qui l’entourent.

Réaliser La République du Catch pour un journal a été une nouvelle expérience ?

Absolument. Je découvrais une nouvelle façon de faire de la BD. Je ne pouvais pas improviser l’histoire d’où cette base réaliste. Je m’y suis tenu ce que je fais rarement. Je garde quand même quelques libertés d’improvisations. Le défi et le pari étaient de tenir la distance, de travailler vite tout en restant dynamique comme dans un manga. Les premières pages sont directement inspirées du story-board du court-métrage initial. J’ai laissé une fin ouverte bien sûr. La suite dépendra du succès de ce volume. Les Japonais semblent très contents.

Vos personnages sont tous des cas. Il y a Piccolo, un tueur dont la tête est séparée du corps.

C’est un jeu sur ce qu’est le corps comme dans le Bibendum céleste. J’aime bien qu’il y ait une tête qui pense et un corps qui véhicule, le dessin entre autres. La mise en place des personnages, le bébé, la catcheuse, Piccolo, Mario le vendeur de pianos, s’est faite d’elle-même. Je suis resté un peu plus classique dans leurs expressions afin de permettre aux lecteurs d’adhérer. J’ai fait attention. Mais l’univers m’est très personnel.

Côté dessin, comment avez-vous travaillé ?

Je suis revenu au crayonné. J’ai pris beaucoup de plaisir à la mise en scène. Je ne suis pas parti direct. J’avais l’occasion de retrouver de la nouveauté. J’ai dessiné sur un format A4. La République du Catch est une synthèse de mon travail, du Bibendum à Monsieur Fruit, muet. Je me place au milieu avec cet album.

Quelles sont vos envies après cette République du Catch ?

J’en ai plein. A condition d’avoir le temps. Je fais un journal de voyages pour Vuitton sur le Mexique. 120 dessins couleur à faire. Je prépare aussi une vente d’originaux chez Artcurial en octobre prochain. Ce seront de grands dessins inédits.

La République du Catch, Casterman, 20 €

Dédicace de Nicolas de Crécy

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