Méditerranée, Baudoin et la petite princesse aux cheveux noirs

Il a la tendresse chevillée au corps, la générosité et bien sûr un talent qui en font une sorte d’OVNI. Edmond Baudoin est un grand artiste, un homme de ressenti et de combat aussi. Avec Méditerranée, son bleu incomparable éblouit ses pages tout en s’immisçant dans ses textes, doux et tendres alors qu’il parle de mort, de la pire, celle d’un enfant, d’une petite fille qui voulait traverser la mer pour découvrir une vie nouvelle, loin de la violence et de la haine, une gosse souriante qui méritait le bonheur.

Méditerranée

Un corps sur une plage, ce sera la seule image du drame qui s’est joué, qui se joue tous les jours au large de la Grèce ou de l’Italie. Elle voulait voir les écoles, les maîtresses bien habillées dont lui avait parlé son père. Avoir des amies aux cheveux blonds, aux yeux bleus comme cette mer sur laquelle elle va s’élancer. Avec sa maman qui elle voudrait son potager, des fleurs et un chat. Bleu encore, vagues qui roulent et meurent sur la côte. Avant la mer il y a eu la fuite en camion avec le méchant chauffeur. Petite princesse aux cheveux noirs elle enverrait une carte postale à sa meilleure amie. Elle apprendrait vite à écrire.

Edmond Baudoin et François Boucq
Edmond Baudoin et François Boucq à Nîmes. JLT ®

Edmond Baudoin avec une rare simplicité est allé à l’essentiel. Ces migrants qui se noient, dérivent sous un soleil de plomb, dérangent, sont ballotés sur cette mer que l’on aime temps. Une mer qui nous a vu jouer enfant, nous baigner au fil des ans, amie sur laquelle on jette un regard éblouit par son bleu brûlant. La vie dit Baudouin, pas la mort. Un bleu parfois noirci, éclatant, que Baudoin rend palpable pour un drame absurde. Une émotion si pure, si vive qu’il faut parfois faire une pause, pris en tenaille par la douceur des mots et la violence des faits.

Méditerranée, Gallimard, 14,90 €

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